Rêveries et pensées
2022
UNE VIE
Il fait si sombre ici. Chaque mouvement lui coûte. Il se sent coincé. Il bouge furieusement et se cogne à chaque instant.
Mon Dieu qu’il fait sombre. Il n’y a aucun filet de lumière, aucun espoir de s’orienter. Il tourne brusquement pour se dégager mais finit par retrouver sa position originelle. En boule, seul moyen de se tenir dans cet endroit exigu.
Il doit sortir. Et vite !
Pourtant il y a peu, il nageait dans un bonheur sans nom. Sans nom ? Peut-être mais un état de bien-être balancé parfois et par moment une voix lui parle, un mouvement se fait tendre qui le caresse. Il ne sait pas quand il est arrivé ici. Peu importe du reste, il y est et après des mois de chaleur, douceur, il voudrait bien s’en aller.
La voix lui parle encore mais il est trop occupé à tenter de sortir pour l’entendre. C’est sa première bataille. Il y en aura d’autre mais il ne le sait pas.
Enfin ! Il arrive à se retourner et à pointer la tête vers …. Sa vie.
Le début est difficile, il faut d’abord se laisser prendre par des bras inconnus qui projettent des bruits étranges. Mais comment leur dire qu’il y a erreur, qu’il a froid et qu’il voudrait bien, finalement, retourner chez lui ? Alors il pleure de tout son souffle qui s’accroit et ses cris s’amplifient. Où donc est-il ?
Une sensation douce le fait taire, une voix lui parle doucement, il la reconnait, il l’écoute, il va rentrer chez lui. Il se mure dans le silence de l’attente, tellement soulagé après une telle frayeur. Il va rentrer chez lui.
Merci mon chéri dit la voix si douce, mets-le s’il de plaît dans le couffin et rentrons à la maison. Je suis épuisée mais si heureuse.
Viens répond une voix plus grave qu’il reconnait aussi, oui viens te reposer.
Deux bras l’enserrent tendrement et le mettent dans un couffin il est épuisé et s’endort. Une gêne le réveille. Il découvre la faim. Chez lui il a tout à portée de besoin. Alors il pleure très fort… Il veut rentrer chez lui.
Et passe le temps…
Ce n’est que plus tard lorsqu’il aura tout oublié de ces instants. Ce n’est qu’après avoir vécu un bout de vie qu’il sentira à nouveau cette chaleur, souvenir diffus de sa première sensation dans le cocon où il s’est formé. Mais entre-temps, il faut vivre sa vie. Il sera comme les autres, il aura tout, joies, peines et colères. Dans de petits évènements ou grands.
… se forment les souvenirs...
Il se souviendra des petites choses qui font la vie : la joie de la tartine puis la peine lorsqu’elle échappe de ses mains et tombe coté confiture sur le sol… alors il sourit de sa colère. Ce n’est que bien plus tard qu’il comprend que les objets que l’on dit inanimés ne le sont pas toujours et lorsqu’ils mènent leur vie, c’est à nos dépends.
… qui reviennent…
Emu, il repense aux voix qui lui ont parlé. L’une grave et l’autre moins. L’une chaude et l’autre douce. Leurs odeurs aussi, l’une caféinée et l’autre sucrée.
Il se souvient des conseils, câlins et encouragements. Il sourit aux orages et grondements.
Il pleure, la mélancolie le gagne. Il voudrait revoir les visages disparus, les rides tant aimées. Il regarde la mer et l’horizon. Il est formé de ces bouts de vie que l’on nomme souvenirs. Véritable bouquet de joies et de peines… Et, malheureusement, de regrets aussi.
Mais ce qui l’intéresse le plus c’est le petit nuage au-dessus de l’horizon, il flotte ne sachant où se poser. Si personne ne l’aide, ce petit nuage, diaphane va disparaître à jamais. Alors, aidé par le vent, le soleil et les vagues argentées, il va prendre ce tout petit souvenir, et découvre abasourdis … Sa vie.
Il fait chaud ici et la lumière est douce et l’Amour omniprésent. Le temps est éternel et l’espace rempli d’amour. Le nuage, à côté de lui, ne bouge plus. Il n’y a pas à s'agiter au Paradis.
Thalie J. 29/04/2022
LA LÉGENDE DU SAULE-RIEUR
Il était une fois, et pas deux, un roi qui n’était ni vieux ni joyeux. Il vivait sa vie en portant toute la mélancolie du monde sur son dos. Ce roi, fort bel homme, était maudit.
Autrefois, enfant enjoué mais impertinent il se moquait du tout-venant. Surtout de la vieille femme qui occupait la cabane en bois au fond du jardin. Il riait à gorge déployée en parlant de la verrue sur son nez… Oui là, juste là.
Elle, sorcière de son état, n’aimait pas ce petit gars aux plaisanteries stupides. Donc d’un coup de nez encombré de points en tout genre, elle lui jeta un sort aussi mauvais que les vœux de fin d’année sont bons.
« Je te le dis petit prince, tu seras beau et intelligent mais affligé pour la vie d’un ennui profond que rien ne saurait distraire. J’interdis aux rêves et aux espoirs, aux livres et aux paysages, aux personnes de passage et aux habitants de ce royaume de rompre ton ennui. » Puis elle éclata de rire et disparut.
Le temps passa et le prince devient roi et le roi s’ennuie à langueur déployée.
Mais, comme dans tous les comptes, arrive une gentille fée. Elle court, pressée et joyeuse sur le chemin quand brusquement, elle se cogne au mur d’ennui qui isolait le roi. Elle écoute l’histoire et dit :
« Hum ! Je ne peux, tu le sais bien défaire totalement la malédiction. J’aimerais bien mais il n’y aurait plus d’histoire. Seul tu erreras dans le château avec ton âme en peine. Cependant, ce ne sera pas pour l’éternité mais jusqu’à ce que du ciel ou de l’horizon arrive une … »
Il ne sut jamais quoi, étourdie, elle a emporté la fin de sa phrase. Ce qui accrut son ennui.
Le temps passe et le roi se languit toujours à ennui déployé.
Lors donc dans son château, il cheminait de bas en haut, soupirait ou bâillait ici et là attendant un évènement qui ne venait pas. Le vent parfois s’attardait pour regarder cet étrange phénomène mais ne soufflait rien, pas même une brise à l’approche du domaine. Les fleurs mourraient du manque de pluie qui évitait aussi cet étrange lieu ou rien, jamais, ne se passait. Seul un saule avait élu domicile dans le jardin abandonné. Il s’y sentait bien et pleurait à loisir.
Accoudé à la rambarde dans la plus haute salle du château, le roi regardait en alternance l’horizon et le ciel, tous deux immobiles. La seule chose qui bouge ici se dit-il mélancolique, c’est le temps ; il va son chemin, toujours vers l’avenir d’un coup de trotteuse énergique.
Mais cette nuit-là, vers disons ? Minuit pile, une étoile filante s’aventure si près de la terre qu’elle se prend dans les branches du saule pleureur. Tous deux sont très étonnés.
Elle remue tant et si bien qu’elle fait un nœud avec les branches. Elle gigotte et se démène, s’affole et tourne sur elle-même pour repartir dans le ciel. Le seul résultat est l’effet de ses rayons agités sur le jardin : des lueurs irrégulières qui dansent dans la nuit.
« Traduits en morse ces éclairs ne signifient rien mais, quand-même, c’est bien joli. » se dit le roi ébloui.
Et, pour la première fois depuis des lustres, son ennui s’effrite. Il se précipite dans le jardin. Il assiste à un évènement dont il ignore la rareté dans le monde, une étoile filante sur terre. Il la regarde et se ravit de voir l’étoile se débattre dans le feuillage. Bien entendu il en tombe follement amoureux. Il veut la garder dans son château et la couvrir de cadeaux. Il souhaite ardemment qu’elle devienne sa Reine. Il avance et lui parle, lui raconte son ennui et la malédiction. Elle l’écoute avec peine tant elle est impatiente de repartir. Après deux heures, le roi s’arrête. Elle lui demande de la délivrer. Le roi est bon c’est un fait. Sans hésiter, plutôt que de la garder prisonnière, il écarte les branches et la libère. Avec un long et bien triste soupir, il s’apprête à retrouver son ennui.
L’étoile file dans le ciel jusqu’à la reine de la nuit. Elle demande pour le roi une faveur. Se penchant sur cette demande et sur le roi, la lune colore brusquement d’un rayon argenté le château et le royaume. D’un autre de ses rayons, elle fait glisser jusqu’à terre une princesse. C’est le matin et le roi tout ému la prend dans ses bras.
« Viens lui dit-il tendrement, viens mon étoile »
Et s’écoule le temps… Mais vous ne semblez pas me croire !
Pourtant, il y a un témoin à ce prodige. Un arbre solitaire, aux premières loges. Dérangé par l’étoile, mais touché dans son cœur dur d’arbre solitaire, il éclate de rire. Premier saule-rieur dans le monde c’est certain. Comme il n’en a pas l’habitude, il rit tellement que de grosses larmes coulent le long de ses branches et de ses feuilles. Le jardin arrosé retrouve ses pâquerettes qui répondent en déployant leur corolle aux rayons du soleil.
Depuis ce temps, le saule pleure oui mais de rire.
Quant au roi et à la reine, ils vécurent heureux, sans ennui grâce à leurs enfants impertinents mais charmants.
Thaliej.
19/04/2022
ORIGINE (OU PAS) D'UN PROVERBE
Pourquoi il faut tourner sa langue 7 fois.
Au tout début, l’homme ne parlait pas. Non pas qu’il en fut incapable mais il n’avait rien à dire. Sa vie était rude et ce n’est rien de le dire. Donc il ne le disait pas.
Les premiers mots apparaissent lorsqu’un homme se coince le doigt entre deux silex. « Quel doigt ? » me demandez-vous ? Qu’importe ! Seul compte dans l’histoire le son que produit alors notre ancêtre.
Voici ce qu’a dû donner cet instant… début du langage. Soucieuse de clarté sinon de vérité, voici l’histoire telle que mes gènes s’en souviennent.
Juste après être rentré d’une chasse au mammouth épuisante, Oô (c’est son nom) arrive près de l’endroit où se tient la tribu. Chacun vaque à ses occupations ; l’un taille le silex, l’autre range les commissions (prépare la viande) ou bien encore, un troisième prépare le cuir pour se protéger de l’hiver présent et à venir.
Oô arrive donc et pour participer à la vie du clan prend deux silex, les frotte et se coince un doigt.
Aïe!, Ouïe!, Aah!, Ouille! Mer...
Bien sûr il est difficile de savoir exactement quelle onomatopée a été utilisée. Faute d’enregistrement, d’écrit ou même d’histoire racontée près du feu. Mais, après quelques expériences avec une porte, un marteau ou un tiroir, tout doigt coincé donne à peu près le même résultat. Des petites syllabes lancées pour éloigner la douleur et râler contre la malchance. Le tout bien fort. Ce qui fit se rassembler les hommes, les femmes du clan et les enfants en âge de marcher. Premier spectacle parlant, premier One-man-show. Un petit rien pouvant avoir de grands effets … papillon.
A cet instant, l’important n’était pas le silex, ni le doigt devenu rouge, bleu, violet. Mais le fait qu’alors débuta le langage. L’homo sapiens n’a jamais plus cessé de parler. Et l’humanité, depuis, jacasse, se saoule de palabres et arguments, discussions et disputes, monologues et discours. De plus en plus vite, de plus en plus fort l’homme parle de lui principalement ou des évènements plus ou moins importants de sa vie ou de son époque.
A tel point qu’aujourd’hui l’on veut que la parole jouxte l’évènement. A force de le vouloir, le temps s’emmêle un peu et l’information devient prédiction. Pourtant, si l’on y pense, il est idiot de commenter un fait juste avant qu’il y lieu (ou peu s’en faut). Si cela avait été le cas, jamais nous n’aurions parlé. En effet revenons à notre ancêtre.
….
Le temps est frais mais charmant et la viande fraîche baguenaude dans les champs. Parti de bon matin, Oô rentre de ses courses avec un mammouth dans son cabas. Le soleil tiède marque la caverne, il est donc un peu avant midi… l’heure des infos. Chacun s’affaire, il y a déjà tant à faire. Il arrive, et entend, juste avant de prendre le silex un commentaire qui assure par exemple :
Info 1ère : Oô invente le langage en se faisant mal avec deux silex. S'en suit une description de ce qui pourrait avoir eu lieu. Sous réserve de confirmation de l’envoyé spécial perché en haut d’un arbre pour mieux voir.
Que pensez-vous que fera Oô ? Rendu méfiant, il évitera tout contact avec les pierres, ne se coincera pas le doigt dedans et ne criera pas. Et le langage sera retardé d’autant. Tout cela parce qu'un journaliste, avide de scoop, aura parlé trop tôt.
Peut-être est-ce pour cela qu’il faut tourner la langue 7 fois dans sa bouche avant de parler... pour laisser au temps : les moments d’imprévu.
Thalie J.
28/03/2022
2021
LA LÉGENDE DE PALI
Au bord de l’horizon se concentrent les souvenirs. C’est pourquoi, lorsque l’on regarde bien, il n’est pas complètement droit. Parfois même pourrait-on croire qu’il bouge légèrement, ondulant au gré de nouveaux souvenirs qui s’y posent.
A l’autre bout du temps, assis sur une seconde ou deux, Pali regarde l’horizon et devant ce mouvement à peine perceptible, il décide d’aller voir de plus près cette légère ondulation. Déployant ses ailes d’enfant, il part pour le bout du monde, avec toujours devant lui l’horizon frémissant. Pali, né d’une elfe et d’un ange disparus il y a longtemps, a hérité de ses parents : ténacité et courage. Il sait donc voler et n’oublie jamais ni tout ni rien.
De ciels bleus en nuages, de tempêtes en orages, il parcourt des milliers de kilomètres. Il se pose parfois sur une montagne, reprend son souffle et repart. Lorsqu’il est trop fatigué, il trouve refuge dans le clocher d’une église ou bien dans le nid abandonné d’un oiseau. Sa nourriture ne lui pose pas non plus de problème et il glane ici et là ce dont il a besoin. Une goutte de pluie pour se désaltérer, un grain de blé pour se sustenter et pour le plaisir une larme de miel. Il va ainsi pendant un temps si long que plusieurs saisons se succèdent ainsi que plusieurs générations de coqs et fils de coqs qui martèlent le passage du temps.
Un jour il atterrit trop vite sur un nuage et manque de tomber. Le nuage s’incline et Pali se met à glisser. D’un mouvement de ses ailes robustes d’avoir tant volé, il se redresse et se trouve face à un ciel si limpide qu’il se voit comme dans un miroir. Muet de surprise, il constate qu’il n’est plus un enfant. Il se voit grand et surtout, ses ailes immenses témoignent de tout le temps qu’il a passé à voler. Il n’y a aucun orgueil dans son regard, simplement un étonnement et toujours la même interrogation. Car il n’a toujours pas atteint l’horizon dont le jeu préféré semble de vouloir le fuir en reculant toujours plus loin.
Dans le ciel paraît un gros nuage. Bien cotonneux, bien confortable Pali s’y pose pour réfléchir au moyen d’atteindre l’horizon. Toutes les gouttelettes qui forment le cumulus se mettent à murmurer. Comme elles sont nombreuses et qu’elles murmurent toutes en même temps, le bruit qu’elles produisent finit par attirer l’attention de Pali.
Pour répondre à ta question, ne cherche pas l’impossible. Nul ne peut atteindre l’horizon, il est inaccessible. Il n’y a qu’un moyen pour savoir ce qu’il est exactement. Seul le sait le plus grand sage de la nature. Lui te dira comment est l’horizon, lui saura répondre à ta question.
Et qui est ce sage si grand ?
Hélas pour Pali, les gouttelettes en murmurant ont fragilisé le nuage et sont tombées en une pluie abondante sur le rivage de Bretagne. Il est tombé avec elles et s’est posé sur un dolmen. Comment trouver ce grand sage, si grand qu’il connaît les secrets de l’horizon ?
Va sur la plage, va sur la grève, va…
Une petite goutte tombée près lui donne ce dernier conseil. Elle a eu juste le temps de lui dire ces mots avant de s’évaporer.
Le ciel décline, le soleil aussi ou bien l’inverse ? Pali ne sait pas bien, peu importe d’ailleurs. Les couleurs se fondent et tout rentre dans l’ombre. La nuit est venue. Pali replie ses ailes et avance vers la plage. Guidé par un rayon de lune il marche lentement. Après tout pourquoi courir puisqu’en volant il n’a pas réussi. Les pieds dans l’eau, il savoure ces moments si doux où l’écume vient porter des éclats de lune sur le sable. Pali pense qu’ici le grand savant devrait venir. Cet endroit est si joli, si tranquille, à peine dérangé par le mouvement de la mer. Peut-être arrivera-t-il de la forêt de Brocéliande où vivent en secret nombre de magiciens et de fées ? Peut-être d’un menhir où d’un dolmen sortira-t-il pour lui parler ?
Pour attendre plus confortablement, il s’assied et regarde amoureusement l’horizon posé au bord de l’océan, là, juste devant. La lune tire un de ses rayons pour relier l’horizon à la plage en un chemin argenté. Pali voudrait bien le prendre mais il sait maintenant que cela ne servirait à rien. Il se contente donc de le suivre du regard de la plage à l’horizon, de l’horizon à la plage… Comme une respiration que ponctue de temps à autre un énorme soupir.
La cloche de la Cathédrale sonne. L’ange ne l’entend pas, il sommeille, allongé sur le sable. Il est minuit, le jour change et les choses parlent. Cela ne dure pas longtemps. Si peu d’ailleurs que jamais oreille humaine ne les a entendues. Mais pour les oreilles de Pali c’est différent. Il entend le murmure des milliers de grains qui forment la plage. L’un d’entre eux crisse plus fort…
Laisse reposer ta mémoire au bord de l’horizon elle seule t’en fera voir les ondulations.
Complètement réveillé, Pali regarde partout, il veut voir ce grand savant qui parle dans la nuit. Il se lève, tourne et retourne mais ne voit que la nuit. La voix reprend
Ne cherche pas de grand sage, je suis le plus petit de tous les grains de sable.
La lune pose alors un fin rayon sur un microscopique grain, Pali le voit, le remercie puis lui demande d’où lui vient sa connaissance de l’horizon.
Il y a longtemps, très longtemps j’était une montagne. Pour voir la mer je m’en suis rapproché mettant mes roche-pieds dans l’eau. L’érosion due aux caresses incessantes des vagues m’a réduit à l’état de simple caillou puis de galet. Un petit d’homme m’a pris dans sa main et m’a emmené en me mettant au fond d’un trou noir dont j’appris plus tard que c’était un sac. J’y restais des années malheureux, seul et sans espoir. Pour m’occuper je me suis remémoré tout ce que j’avais vécu, les glaciers et la neige, les bouquetins et les chèvres, les chevaux et les vaches… puis une fois au bord de la mer, les embruns, les tempêtes et le soleil, les mouettes et les goélands. Les skieurs et les nageurs, les amours naissantes et les déchirements. Les genoux écorchés et les repas partagés. Bref, tout ce dont je me souvenais.
Pali écoute le grain, il est entre minuit moins et minuit plus. Le temps, à cet instant s’arrête toujours. Le savant reprend :
Un jour enfin, je sentis un mouvement, le sac bougeait, tellement que j’en tombais. Quelle lumière ! Enfin je voyais à nouveau mais ne reconnaissait rien. Où étaient la mer et mes frères les autres galets je ne le savais pas. Une main m’a pris et m’a caressé. Une voix l’accompagnait, elle me disait que j’étais un joli souvenir de vacances passées. Et moi je les suppliais de me ramener chez moi près de l’eau. M’ont-elles entendu ? Je ne le crois pas car les mains ne savent pas parler. Toujours est-il qu’un matin la main m’a jeté dans l’eau, dans la mer, dans ma mer ! Une vague m’a emmené loin, si loin que j’ai atterri sur l’horizon. J’y ai retrouvé tous mes souvenirs, dans l’ordre et le désordre ; tous y sont !
Pali l’écoute, toutes ailes ouvertes, sans bouger. Le savant reprend :
Mais en ouvrant les yeux, je constate à mon grand étonnement que je n’ai pas bougé de la plage, la mer m’a caressé et j’était si bien que ma mémoire s’est ouverte sur mes souvenirs, mon horizon. Il ajoute Va donc, ouvre ton cœur à tes souvenirs et tu atteindras l’horizon. Ton horizon, il t’appartient.
Minuit cinq a sonné à la Cathédrale, le rayon de lune a glissé et le sable s’est rangé en silence. Il ne parlera plus avant minuit, plus ou moins, prochain. Seul parfois entendra-t-on son crissement de rire quand des pieds marchent dessus en le chatouillant.
Minuit six, le temps a repris son cours et le silence revient ; chargé de la promesse faite par le petit grain de sable si savant. « Ouvre ton cœur à tes souvenirs ». Pali, un peu engourdi d’être resté immobile, se lève et secoue ses ailes. Il les étire et les replie ; c’est une technique pour se concentrer, une astuce d’ange. Il laisse flâner ses pensées et sa mémoire. De nombreuses images affluent et il contemple ses souvenirs, sourit à certains, pleure à d’autres. Il est tellement absorbé, il se concentre pour ouvrir son cœur à tout son passé qu’il ne remarque pas que la ligne brune de l’horizon, à mesure qu’il ravive ses souvenirs, devient trouble et si ténue qu’elle ne marque plus la séparation de la mer et du ciel. Son cœur plus largement ouvert que ses ailes déployées, il plonge dans le rayon de lune qui semble l’attendre. Fort de ses souvenirs, il lui semble comprendre que l’horizon est multiple, il y a le sien et le tien et d’autres encore…. Alors il repose ses souvenirs et l’horizon reprend sa netteté. Il n’y a plus de voyage à faire en volant vite, si vite et sans fin. Il y a une histoire qui forme l’horizon celle de la mémoire qui le fait onduler à mesure qu’elle s’y pose.
Pali, enfin satisfait, est retourné dans le royaume des anges. Seul le grain de sable sait où est ce royaume. Mais lorsque je lui demande, il répond toujours « entre ici et là-bas ».
Alors je m’endors car je sais que Pali veille sur moi de son pays « entre ici et là-bas ».
Thalie inspirée par Pali
Pour Marius et ….
Juin 2021
NUIT BLANCHE
La page première est blanche.
Autant que la nuit peut l’être parfois.
La première page étend son vide sous mes yeux. Où sont donc les histoires et les personnages ? Sont-ils ensevelis dans la neige de cellulose qui donne forme à cette étendue vierge de tout signe ?
Le vertige m’appelle. Le monde s’estompe, devient flou puis disparaît. Cette page est un labyrinthe de points froids.
La similitude avec le ciel étoilé s’impose alors. La page blanche écrit la nuit blanche. Ces instants perdus par manque de sommeil lorsque l’endormissement se transforme en une course effrénée pour attraper le repos qui virevolte dans l’univers ; toujours plus loin toujours plus vite puis disparaît quand vient le moment du réveil.
La page frémit lorsque mes doigts la touchent. Elle est vivante et aspire à être reconnue comme telle. Elément premier d’une série elle propose une halte avant la lecture. Un temps de silence et de vide pour poser ses pensées pour qu’enfin libre, je puisse m’immerger dans l’histoire qui va suivre.
Ainsi en est-il de la nuit blanche qui puise au fonds de moi les débris d’une journée appartenant au passé pour me pousser vers l’avenir… épuisée.
La page attend que je la tourne, la nuit que je la dorme. Mais avant, il me faut puiser des forces pour continuer après le vertige de ce blanc.
Alors je m’empare du silence et m’en entoure. Les yeux fermés pour mieux le voir, s’opère alors la transformation, le silence détend mon corps, mon cœur et mon âme.
Le monde n’est plus maintenant et je reste seule avec ma prière, aspirant à cette rencontre qui transforme toute journée. Les jours de peine sont plus légers et les jours de joie plus profonds.
Je ne sens pas le vide et prie de toutes mes forces. C’est un tort. Cet effort casse l’harmonie. Le silence se déchire, le monde revient.
Se tourne alors la page, je m’endors enfin.
Demain sera un nouveau jour puis une autre nuit.
Thalie j.
Une nuit en 2021
OVNI OU SOUVENIR ?
Pendant la pandémie
Nous sommes aujourd’hui, jour comme un autre. La météo, généralement ronchon depuis quelques temps, a changée de tenue. A la place des voiles gris de nuages humides, elle s’est parée de soleil et d’une robe immaculée.
Nous sommes donc, aujourd’hui et il fait beau. Je pourrais redire à quel point cela m’ennuie mais non, là, je suis bien contente et en rendant grâce, je plonge dans le ciel d'un bleu tellement limpide que l'œil ne peut s'appuyer sur rien. C’est donc dans ce ciel si uni qu'il donne le vertige qu’apparait soudain un chemin. Deux lignes parallèles et blanches qui proposent au regard une route. Diantre qu’est-ce donc ? Alertée par ces rides qui s'effacent au moindre regard je prolonge le nez en l'air ma contemplation un rien plus animée.
Je suis perplexe devant cette bizarrerie. D'où peuvent venir ces lignes ?
Abandonnant toute mon inactivité sur l’instant, je cherche, réactive mes synapses et réfléchis activement. Plusieurs choix s'offrent que j'étudient un à un.
Un Ovni ou un truc étrange venu d’ailleurs peut-être par erreur ?
J’écarte cette option assez rapidement.
Non vraiment les extraterrestres habitants de galaxies lointaines que l’on dit extra, s’ils viennent nous voir, le feront certainement sans s’appuyer sur les lignes visibles, fragiles et fugitives. Leur technologie avancée devrait leur permettre de venir simplement nous envahir puisque si l’on les croit extra, nous les imaginons assez envahissants pour ne pas dire envahisseurs.
L'apparition ?
Je raye cette option encore plus résolument que la précédente. En effet, outre le fait que croyant en Dieu je ne l'imagine pas un instant sous la forme de deux lignes parallèles tout infinies soient-elles, je ne peux honnêtement pas prétendre à un tel miracle dont seuls les grands saints profitent. Sauf à imaginer que Dieu me fasse un sourire un peu figé pour me montrer ma petitesse... Mais je crois qu’Il a définitivement mieux à faire.
Des rayons de lune ?
Ce serait mal connaître la déesse de la nuit. Chaque matin, elle efface toute trace de ses rayons quand vient le jour. Ils ne peuvent résister devant la lumière du diurne a fortiori si le soleil illumine le ciel. Peut-être lorsque le temps est gris ? Mais non le partage fut fait il y a longtemps et lorsque la lune se montre le jour, c'est discrètement et très humblement.
Alors quoi ?
Je prends ma tête entre mes mains et me perds en conjectures toutes plus impossibles les unes que les autres : un pli malencontreux du ciel ? Des anges en goguette ? Des fumées d'usines de l'espace ? Une suite d’idées en mal de trouver un esprit ? Des souvenirs oubliés ?
Ah ! En voilà une idée, des souvenirs ! Mais plus précisément un souvenir.
Cela fait maintenant un certain temps que les lignes ont disparues. Un souvenir émerge, profondément enfoui, je me rappelle dans une autre vie avoir déjà vu ces droites blanches et fugaces. Mais serait-il donc possible qu'il s'agisse d'un véhicule aérien ? Avion était, avant la pandémie, son nom.
Thalie J.
24 avril 2021
2020
UN JOUR DE CONFINEMENT
Un matin sans idée mais quand-même …
Un matin sans idée mais quand-même …
Ce matin, après les courses, j’ouvre la page blanche sur mon ordinateur. Quel va être mon sujet aujourd’hui ?
Ce matin, après les courses et un regard sur mes courriels, je pense avoir trouvé mon sujet. C’est une question que plusieurs de mes amis me posent :
Dis Thalie écris-tu en ce moment ?
La réponse est simple : oui. Mais comme je suis bavarde, je vais développer ce oui trop bref à mon goût.
Oui, donc, j’écris, sur mon blog régulièrement. J’ai le temps, la disponibilité et l’imagination.
Le temps, arrêté à nouveau depuis 2 semaines, se laisse prendre à bras le corps en attendant des jours meilleurs. Alors je le saisis chaque jour. Entre déjeuners et dîners, courses et cuisine, je m’assieds à ma table, ouvre mon micro et me lance. Je suis alors peu économe des secondes et minutes et bien souvent, je m’interromps persuadée d’avoir à peine commencé…
La disponibilité d’esprit est un peu plus compliquée à trouver. Il me faut penser aux appels à passer, aux nouvelles à donner et aux menues choses de la vie. L’intendance, certes légère puisque nous ne sommes que deux désormais, perturbe mon organisation habituelle. Hors confinement, je suis seule pendant la semaine et n’ai donc pas d’horaire ou si peu. Mais il faut jouer avec les instants, les compartimenter et faire en sorte qu’au moins un ait une amplitude suffisante pour que les personnages qui me hantent la nuit viennent le jour se poser sur le papier.
L’imagination quant à elle ne me fait jamais défaut. J’en ai toujours à revendre puisqu’elle surgit à tout moment bondissant d’un mot sur un souvenir, d’une jolie phrase lue sur une utopie ou bien de rien sous mes doigts. Ces idées se mélangent à mon humeur. Elle diffère chaque jour. La couleur que prend le texte est différente alors : bleu mélancolique, rouge énergique ou bien arc-en-ciel quand l’humeur est facétieuse. D’ailleurs parfois, plutôt que d’écrire, je peins.
Chaque jour est différent du précédent, même en ce moment. Certains matins nous sommes plus alertes, avec de l’énergie à revendre ; d’autres sommes nous plus enclins à la paresse et à laisser vagabonder nos pensées. C’est cela que je note au détour de mes textes, l’énergie trouvée dans la fontaine solitaire qui glougloute toute la journée, le rêve dans un nuage qui disparaît derrière les toits des maisons, la mélancolie devant la lune qui parfois semble elle aussi porter un masque quand il y a de la brume. Le souvenir des moments passés, des êtres rencontrés comme l’écureuil que je pourrais bien faire monter sur la lune… un jour ou une nuit.
Oui j’écris, sur tout et sur rien, pour mon bonheur et je l’espère celui de mes amis lecteurs.
Mais déjà le temps a passé sans que je ne le vois et il est déjà tard vite allons faire le repas.
Thalie J.
19 Novembre 2020
Je voudrais avant de vous quitter remercier ceux grâce à qui j’écris :
Mon mari chéri et mes enfants qui me soutiennent en pensée, en paroles, en action et aussi parfois en omission.
Ma famille et mes amis lecteurs qui m’encouragent et me houspillent pour que paraisse mon deuxième recueil,
Je remercie également les oiseaux qui chantent chaque jour et portent sur leurs ailes mes rêveries.
Je rends hommage à Paris, la ville de pierre, qui reflète sur ses murs et ses toits les ombres.
LA BOUGIE UN SOIR DE PLUIE
Le Temps s’est chiffonné cette nuit. L’été est parti sans rien dire. Mais qu’avait-il à dire ? Le 21, il s’en va. Il file à l’autre bout du monde quand vient la fin du mois de septembre. Car cette année, où tout fut étrange, l’automne vient le jour dit. Et sur les volcans il pleut sans faire de bruit. Le sens-tu dans l’air humide ? Le ciel pleut l’été qui fuit.
Si la terre mouillée, apprécie cette pause, c’est qu’elle fourmille d’animaux qui aiment la fin de la saison chaude. Toujours plus chaude, il est vrai. Ce matin les fleurs et les feuilles se courbent sous les gouttes d’eau. Il n’y a pas de vent mais elles frémissent à mesure que la pluie s’écoule vers le sol ; là elle pénètre ce royaume sombre où se réfugient les limaces, les vers et les taupes. Mais dans ce royaume, il y a aussi des racines. C’est pourquoi plus légère de la pluie tombée, la flore se repait de sève. Elle sourit une dernière fois, mais hélas, c’est l’automne. Et le temps ayant fait son chemin, l’eau ne suffit plus comme au printemps. Elle ne peut redonner un vert tendre aux feuilles ni empêcher la chute des pétales. Elle ne peut qu’apaiser la soif et préparer la venue de l’hiver. D’ailleurs, les sous-bois, au sol jonché de feuilles et pétales, ne crissent pas mais exhalent une odeur de fin, d’abandon et de mélancolie. L’automne avance ses pions, la nature agonise.
J’écris le vague de mon âme car hier encore les roses étaient roses, leurs pétales fièrement dressés vers le ciel, riant avec la rosée le matin, vivant au gré du chant des oiseaux et dormant dans les plis chauds de la nuit. Non ! Le soleil trop lourd ne manque pas. Mais cette année, le temps se fait plus court. Le printemps a fait défaut et, si ce n’est pas sa faute, il manque quand même. Lorsque l’on compte les jours, cette année reste atrophiée d’une saison.
Aujourd’hui, seule la bougie éclaire le jour. De ses trois flammes crépitantes, elle rend tout possible surtout les rêves. Avec délicatesse, ses pétales d’or dansent au rythme de la musique semble-t-il. A moins que ce ne soit l’inverse ? Mais serait-il possible que la bougie entraîne dans son rythme la musique ? Mais oui, ne fait-elle pas, la nuit, au plus profond de son ombre, s’allumer les étoiles petit à petit au gré des crépitements… Pour que vienne l’’enchantement ?
C’est ainsi que d’une étoile à l’autre, au creux du silence nocturne, l’on entend un appel, une mélodie envoutante. Suspendue dans le noir s’épanche Dame lune. De son doux visage s’écoulent des rayons aux lueurs diaphanes qui percent l’horizon de nos rêves. Ce sont autant de caresses, autant de tendresse que le ciel envoie aux humains. Pour les cœurs légers, les rayons parlent de douceur, d’amour et de paix. Pour les cœurs plus lourds, s’ils se laissent caresser, les rayons apaisent les tourments.
Dans sa carapace de verre carmin, elle régente l’Univers. La bougie a sa place dans ce prodige. Ses crépitements répondent aux étoiles, soulignent la courbe de la lune et montrent le chemin à ses rayons. Ses pétales bougent tant que dure le soir, elles semblent être des lucioles de feu dont les yeux vont se brûler à l’ombre de la nuit. Mais une fois que le souffle en a éteint la lumière, seul la nuit reste, et ce soir il n’y a pas d’étoile, le ciel pleut l’été qui fuit.
Thalie J.
21/09/2020
FACE À L'INCERTITUDE
Hier peut-être ou bien demain qui sait ce que l’avenir réserve et ce que fut le passé…
Ce sera donc aujourd’hui pour toujours.
Alors chaque matin de ce jour sera unique, différent et semblable à la page blanche d’un livre qui reste à écrire. A cet instant précis je regarderai dans le ciel limpide ce qu’il est des souvenirs et des jours heureux. Pour ne rien oublier.
Je contemplerai dans cette étendue les rides des nuages gracieux et l'ange qui les efface pour ne laisser qu’un bleu ennuyeux. Enfin je m'y noierai. Pour tout recommencer.
Pour prendre de l'élan, je m'appuie sur le vent qui efface les tourments. Je suis la route que l’avion laisse dans l’espace. Mais l’avenir reste incertain, comme le montre ce chemin. A peine tracés dans le ciel, ses bords blancs s’effacent et je me perds.
Je regarde le ciel toujours immobile un peu lassant certes mais il contient tant de promesses ! Promesses du futur qui s’étalent en une mer d’huile, limpide et clame avant l’orage. C’est un peu inquiétant mais tellement envoûtant. Une succession de lignes invisibles dans le plus beau livre qui soit : l’horizon infini là à portée de nos doigts et pourtant si loin.
L’avenir n’est pas muet mais il ne peut se dire.
L’avenir est un conte mais il ne peut se lire.
Au fond, tout au fond de ce ciel cristallin, l’unique chose qui importe dans cette incertitude, c’est ta main… toujours… ta main dans la mienne.
Thalie J.
Fin d’été début d’automne 2020
COMBAT ESTIVAL
Je vois la température grimper à l'assaut de ces marches innombrables que sont les degrés. Peu à peu elle gravit une montagne invisible mais sensible.
Le ciel limpide au seuil du jour devient frémissant d'une brume de chaleur. A moins que ce ne soit un mirage. Mais alors quel étrange mirage que ce voile ! Il fait penser à une très fine toile flottant dans le vent qui n'est pas. J'y vois une toile d’araignée qui nous attrape peu à peu dans la journée et colle à la peau, nous rend poisseux jusqu'à la douche bienfaitrice (mais cela est une autre histoire).
Et la chaleur monte toujours à mesure que le temps s'égrène dans la vieille horloge comtoise.
C'est là son refuge, là qu’il agit et régente le monde.
La demie sonne d'un coup comme si une porte se fermait brusquement. Un coup de temps et clac ! Le passé avale le présent. Il est si goulu, si rapide que le présent n’a aucune chance.
Semblable au caméléon, le temps est invisible et brusquement de son balancier avale le moucheron qu’est le présent. Clac ! La mâchoire se referme ; un chapitre se clos quelque part dans le monde et s’amoncellent les souvenirs de l’humanité en un magma de joies et de peines mélangées.
C'est pour cela que la chaleur monte je crois. Au plus chaud du jour rien ne bouge. Mais le soleil croit-il vraiment arrêter le temps ?
Crac ! Une nouvelle porte se ferme sur une demi-heure désormais éteinte.
Tout en haut de la montagne Celsius , la chaleur regarde partout, cherche le moindre endroit protégé pour y déposer ses degrés, arrêter le temps et marquer sa victoire.
Ou... pour rien en réalité. L'horloge continue de fermer des portes et le temps s'amuse entre ici et là-bas, hier et demain.
C'est une longue lutte qui dure tout le jour.
Vaincue, la chaleur plonge dans la nuit pour affûter ses rayons et revenir au point du jour, tapie dans un pli de l'aube silencieuse. Elle puise dans l'immensité des rayons de la lune, un nouveau souffle et assez d'énergie, pour prendre au réveil un nouveau départ. Elle s'appuie sur les gouttes de rosée et, tant que durera l'été, la chaleur recommencera le combat.
Je sens la température monter à nouveau et le temps de son balancement perpétuel laisse entendre son ricanement régulier, toutes les demi-heures, à moins ce ne soit une porte qui claque ?
Thalie J.
31 juillet 2020
LE PLUS BEAU CIEL
Il est 11h et depuis 5 heures je suis levée. Le voile de la nuit est parti tout doucement devant moi, emportant avec lui les étoiles et la lune. Farfadets et lutins, rêves et sommeils l’ont suivi dans son exode. De menues activités ont occupé les premières heures de la journée. Enfin je m’arrête et ne sais plus que faire. Je pense alors que la journée sera longue tant elle promet d’être belle dans son uniforme estival. Si belle. Trop belle ? Je tourne en rond dans ce temps limpide pour finalement m’arrêter un peu désespérée. Que faire ? C’est alors que je plonge dans l’immensité.
Le nez collé à la fenêtre, les yeux dans le vague, je contemple le ciel trop bleu. Le soleil éclate dans ce vide ! Tout joyeux d’en être le maître incontesté, il s’étend, prend possession de l’espace, en estompe les couleurs, si bien qu’à l’horizon je contemple un ciel devenu blanc. L’ennui me guette puis fond sur moi. Le moment lui est propice. Il saisit l’esprit et les rêves, fait taire les souvenirs et s’arrêter le temps. Le ciel est trop bleu, trop blanc, trop tout et trop rien. Si bien que le front contre la vitre, je regarde ce mille-feuille sans gourmandise. Il me promet des couches et des couches d’ennui à venir : lassitude, spleen, morosité et langueur, le tout saupoudré d’abattement.
J’aurai préféré une bonne chantilly. Mais hélas, pas de nuage auquel s’accrocher pour partir à l’aventure, pas un souffle de vent pour voguer au gré des images qui ballotent lorsqu’un soupir du temps les attire au loin. Bref, un ciel moche de beauté et d’ennui, un temps à ne rien faire parce qu’il n’y a rien à dire, rien à penser, tout juste inspirer puis expirer à l’infini. Respirer quand-même ; il faut bien continuer à vivre.
Depuis une heure que je suis à la fenêtre, le moment se vêt d’importance. Outre l’horloge qui rompt la monotonie, le ciel semble en avoir assez de ce bleu soporifique. Choisissant le douzième coup de midi, il devient noir alors que le crépuscule n’est pas encore conçu. Je m’arrache des carreaux et secoue mon ennui. Enfin un changement dans cette longue étendue morne . Sans prévenir, le simple mouvement d’un nuage apparu dans le ciel casse la monotonie de ce jour d’été. Il paraît comme une lueur dans un tunnel ou l’oasis dans le désert. Il faut dire que le nuage est énorme ; « comme çà » disent les enfants en écartant les bras « comme çà » vraiment. Il grandit devant moi, enfle tellement que la grenouille pourrait bien s’en inspirer pour ressembler à un bœuf. Il engloutit le bleu qui disparaît au profit du noir et le soleil, mort de peur, se fait très petit puis disparaît aussi. Le ciel s’essaye à la nuit. Le jour devient nocturne. C’est une beauté terrifiante certes et grandiose.
Et devant moi, petit être microscopique, le nuage victorieux, unique et splendide, épouse l’horizon qui se laisse faire.
13h05. Le temps devient de plus en plus précis à mesure que Le ciel change. Il se drape de rage pourtant je n’entends pas l’orage. Vraiment ? Je tends l’oreille, je lis sur les plis du nuage, le bruit vient… Le silence, muet de lassitude, devient bruyant d’attente et d’inquiétude. Il vit sa vie de silence lourd. Il attend la fracture qui le fera crier. Je patiente avec lui. Peu disert habituellement, il est assez malhabile et doit réfléchir avant d’émettre un son et brusquement se lance. Alors le silence devient grondement, roulement, déchirement, puis il hurle de sa belle voix grave. Et moi, j’écoute cette mélodie venue du fonds de l’immensité.
C’est le moment où le temps devient un brin moite puis franchement mouillé, enfin carrément glacé. Le ciel à l’humeur assombrie, après avoir noirci le monde et grondé à la ronde. Comme exploit final de sa rage subite, il se jette sur la terre en une succession de pluie et de grêle. Il tombe, inonde, abonde, détruit avant de faiblir pour enfin fondre et disparaître dans un sol qui n’en veut pas.
C’est terrifiant de force et de beauté. Je regarde, j’écoute et je partage… pour finalement m’ouvrir à cette rage. Je bois à la vie du ciel en furie. Tous les sens en alerte, je peux compter les gouttes, en mesurer la taille, je peux jouer avec les grêlons et combattre le vent. Cette énergie me fait peur et m’attire à la fois. Elle me transforme et je deviens orage. Sans désespoir, toute à la joie de vivre sous de tels cieux, ici et maintenant.
A l’heure dite, précisément, il n’y a plus d’ennui, plus de couleur fade, plus de silence plombé, ni de temps arrêté. Il y a le regard de Dieu sur la pauvre terre noyée, sur les hommes malmenés par cette humeur tonitruante, sur les animaux qui se terrent et ceux qui sortent pour profiter des flots tombés des cieux.
A cette seconde-là, Dieu dégage le nuage. Il prend un peu de bleu, de gris et de blanc. Un peu de soleil aussi. Il va à l’autre bout de l’univers puiser le rouge d’une étoile naine. Alors, derrière la dernière coulée de pluie, il peint un arc-en-ciel !
J’oublie l’heure et, le nez à ma fenêtre, je souris à ce ciel. Le plus beau ciel qui soit.
Thalie J.
20 mai 2020
CHAQUE HOMME DANS SA NUIT
Le temps s’est affranchi de notre humanité. Las d’être toujours pourchassé, il s’en est allé. Devant l’horizon lisse qui me fait face, je ne sais plus que faire. Le temps, en quittant la place, me laisse fragile et surtout perplexe.
Aurais-je donc besoin de limites ? D’être encadrée pour suivre la route de mes chimères ? Se peut-il que toute créativité nécessite l’aiguillon des secondes qui roulent, des minutes qui coulent ou des heures qui sonnent ?
J’attends le carillon de l’horloge… J’espère le carillon… Je m’abandonne au silence…
C’est étrangement, l’immuable évolue. C’est du moins ce que laisse à penser la nuit venue sans prévenir. La nuit arrive ainsi, sans faire de bruit. C’est son habitude, elle se moque bien des contingences humaines. C’est la nuit.
Elle s’est faite blanche pour recueillir mon ennui. A l’aide de ses câlins stellaires, je me suis assoupie et à mon réveil, la nuit est jour. Le temps, toujours absent doit bien s’amuser quelque part. Et moi, je tâche de me faire à cette absence. Un repas, une douche et le désert temporel s’impose à moi. Je ferme les yeux pour absorber ce choc puis… rien…
Devant le mur qui me fait face : le reflet flou du soleil. Demain sera-t-il pareil à aujourd’hui ? Hier déjà j’espérais un frémissement soudain, le passage d’une minute ou deux, de quoi troubler l’inertie du monde. Hier, demain me semblait prometteur. Mais non, alors je m’entête à espérer. Demain, oui demain, le carillon. Demain, l’horloge. Demain, que revienne le temps !
Avant qu’il ne nous maudisse, une vie était comme de minuscules points appelés jours. Reliés entre eux, ils formaient l’horizon. Cet horizon que l’on regarde avidement du haut d’une montagne, les pieds dans le sable ou dans ses souvenirs et ses espoirs. Lorsque j’avais le temps, ces liens entre nos jours s’appelaient secondes je crois… Mais je n’en suis plus certaine, je suis perdue. Car sans le temps, l’espace est tellement grand que je flotte sur la route entre ciel et terre, j’ai l’impression de faire du saluto-planning*. Ce qui a pour résultat de me perdre tout entière devant le mur qui me fait face ; à contempler l’image brouillée des rayons solaires si pâles et trop froids.
Bon, ce n’est pas grave, peut-être ne vieillirons-nous plus. Mais par quoi remplacer cet exercice tant prisé qui consistait il y a peu à courir contre le temps, contre le vent, contre les gens ? Ne pas le remplacer peut-être ? Ne pas lutter, mais voir au-delà. Sans le temps, la seule réalité est la solitude : chacun face à sa nuit.
Je n’attends plus rien, ni le carillon, ni l’horloge, ni toi, ni moi…
Thalie J. 27 Mars 2020
Un grand merci à Clarisse Gorokhoff
Jour 11 du confinement
Flottement éternel, intemporel. Ndl
Ce texte a été revu par
Clarisse Gorokhoff romancière qui anime un atelier d’écriture.
Pour tout renseignement écrivez à Clarisse : bohaime@gmail.com
QUAND LA MÉTÉO S’AMUSE, ELLE EST BIEN LA SEULE À RIRE.
Vraiment, aujourd’hui, le temps est joueur, vraiment très joueur. Impétueux comme un chiot plein de pep’s, comme un enfant rempli d’énergie ou bien encore comme… comme un vent très joueur.
Il virevolte depuis le milieu de la nuit, part puis revient, démêle les branches des arbres dénudés pour les emmêler la seconde d’après. Les arbres se voient contraints de jouer avec le vent et subissent ses assauts. Frênes et peupliers, chênes et bouleaux résistent tant bien que mal. Ils se plient et comme un roseau se redressent puis plient à nouveau.
Comme dans l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin, c’est au matin que l’histoire se corse. Au petit jour l’un d’entre deux se fatigue soudain de cette joute monotone avec un adversaire redoutable aux multiples bras. Chaque assaut devient plus difficile à supporter et finalement l’arbre s’avoue vaincu dans un grand bruit déchirant. Il s’incline jusqu’à se rompre. Jeu, sept et match, le vent a gagné et l’arbre repose désormais au sol
Au sol oui mais sur les rails !
Les conséquences ne se font pas attendre, un train s’arrête, un deuxième aussi quant au troisième il ne démarre même pas. Seul le temps continue sa course. Les panneaux d’affichages s’affolent, le compteur des minutes de retard s’emballe et se met au diapason du vent qui choisit ce moment de chaos pour se calmer et profiter du spectacle.
Il y voit un arbre qui semble dormir devant un train qui semble réfléchir… « Sautera, sautera pas ? » pour finalement repartir en marche arrière.
Il y voit des gares qui se remplissent de râles et soupirs. C’est la foule qui exprime son désarroi. Tout s’accélère à mesure que rien n’avance. La vitesse des pas, le froncement des sourcils, le flot des paroles tout cela se précipite face aux trains immobiles, au temps qui s’écoule si lentement que nous pourrions le croire arrêté.
Le 2 mars 2020, en milieu de matinée, le vent s’est calmé, les trains sont immobilisés, les gares sont envahies et les gens sont assommés tout cela à cause d’un arbre qui a préféré rendre les armes sur les rails plutôt que sur l’herbe fraîche. Les arbres sont comme les hommes, parfois ils sont un peu inconscients.
La morale de l’histoire : Quand la météo s’amuse, elle est bien la seule à rire.
Bises de la Météo, de la SNCF et d’EDF sans qui les panneaux ne sauraient indiquer leur affolement face à l’imprévu.
Thalie J.
Début Mars
2019
UN BEAU VOYAGE
Par quel hasard facétieux se trouve-t-il devant moi ? Quel vent de traverse l'a volé jusqu'ici en pleine ville ? Sous terre ? Dans le métro ?
Sortie du train à l'heure, ce qui en soi est un évènement très rare, j'arrive sur le quai du métro. Quai désert ou plutôt empli du bruit de la rame qui fonce pour m'ouvrir ses portes et m'emporter en son sein. Dans le tube dont l'odeur est caractéristique autant qu'indéfinissable, je regarde autour de moi. « Pas d'affluence, pas d'autre bruit que celui des roues qui grincent"
Mes pensées m'emmènent loin de ce lieu que je n'aime pas.
A la station suivante, je compte, comme à chaque fois les points à dépasser sur ce trait au dessus des portes. Il marque la chronologie des étapes pour avoir le droit de sortir du métro. Comme un jeu sur mon téléphone, comme des minutes à vivre pour gagner des minutes supplémentaires, comme, enfin, un espace temps nécessaire pour abandonner la calme province auvergnate et me paramétrer en mode parisienne.
- Mais, 3h33 de train ne te suffisent pas ? » me demandes-tu
- Non mais cela est une autre histoire. Je te parle du métro pour l'instant.
Donc ma métamorphose s'effectue au rythme bruyant et puant de ce tube. Encore 11 stations. Cela n'en finit pas !
L'atmosphère vient de changer me semble-t-il. Un peu de brise iodée s'aventure près de moi. En face de moi. Il suffirait d'un rien pour que j'entende le cri des mouettes et le grincement des amarres.
Mes pensées reviennent à l'instant présent pour profiter de cette impression et en connaître la cause : un homme s'assied face à moi et plonge dans son téléphone. Bonnet enfoncé sur le crâne, barbe mal ou pas taillée, il ne m'est pas étranger. Avec ses chaussures bateau et son pull marin, il ressemble à un vieux loup de mer. Vieux, non pas encore.
Dans le jeu ‘chercher l'intrus’ je le désignerais sans hésiter. Etranger parmi les usagers de la RATP, égaré me semble-t-il.
Il sent la mer et l’horizon, ses mains puissantes ont tenu des cordages, son bonnet l'a protégé de l'écume portée par le vent… Les stations passent plus vite, le métro a sorti ses voiles et la galerne l’entraîne. Six stations plus tard, le calme revient, la lenteur aussi.
Un regard et un sourire échangés, le loup de mer est parti. Ses yeux étaient couleur de mer, celle qui bouge sous les nuages. Ses yeux avaient la mélancolie des départs et la saveur du grand large.
Une rencontre sans un mot, un bonheur sans un bruit, un souvenir pour le patchwork de ma vie... ce fut un beau voyage.
Thalie 3 mars 2019
LE SOLEIL, LE TAPIS ET NOS AMIS
Mais où donc est se cache le soleil ?
Annoncé ce week-end depuis plusieurs jours, nous le cherchons sans fin dans les plaines et les bois alentours. Finalement, nous regardons même sous le tapis.
Sous le tapis ? Mauvaise idée s'il en est ! Ici point de soleil mais toute la poussière de l'univers. Bref des éternuements en pagaille.
Vaincus par cette poudre spatiale qui obstrue notre nez, nous capitulons et courageusement fuyons dehors pour prendre l’air.
C'est le moment choisi par dame pluie pour venir nous chatouiller. Une goutte dans le cou une autre sur le nez et nous voici humides jusqu'à une station prolongée devant l'âtre où brûle une bûche compatissante.
Une bûche compatissante ? C'est idiot ! Une bûche ne compatit pas elle brûle, nous sèche et de ses flammes jaunes nous rappelle ... le soleil. La bûche donc se rit de nous.
Nous revenons à notre point de départ et enrageons un peu.
La bûche se moque, les nuages et la pluie s'éternisent et le vent nous refroidit.
Mais où est donc passé le soleil ?
Parce que cette question nous fait tourner en bourrique et pour l'oublier, nous nous réfugions près du sourire de nos amis.
Thalie J 22 avril 2019
LES ARBRES SONT BIEN ÉMOTIFS
Une nuit d’été, sous les rayons de la pleine lune, un murmure a passé dans le jardin.
« Autrefois les licornes existaient. Autrefois, bien avant que ne paraissent les hommes. »
Cette histoire me fut contée par un arbre, mon arbre, un vieux cognassier. La voici telle que me l’a compté mon vieil ami le cognassier :
Ce récit se passe à l’époque, aujourd’hui oubliée, où le temps n’existait pas encore....
« Marchant à travers le monde, les arbres vivent heureux. Ils se promènent tranquillement se rendent visite, s’égayent au gré de leur fantaisie : l'un cherchant plus de lumière, l'autre plus d'humidité et un autre encore plus d'ombre. Ils parcourent le monde accompagnés d'une faune un peu étrange. Dont les plus extraordinaires spécimens sont les licornes. »
Il sourit de toutes ses feuilles, un peu mélancolique à ce souvenir. Et se moque gentiment :
« Souvent vous les représentez blanches mais vous êtes bien loin de la réalité. Leur couleur ressemble à l'écume et à la brume lorsqu'un rayon de soleil ou de lune vient s'y reposer. A cette époque existaient un animal et une couleur aujourd'hui disparus. »
Le cognassier s’abîme dans ses souvenirs puis reprend son histoire.
« Nous nous promenons tout le jour et dormons la nuit prodiguant ainsi à la terre un abri au gré de ses besoins. Nous sommes parasol quand il fait beau et parapluie quand pleurent les nuages. Nous nous reposons parfois et restons alors un peu au même endroit. Les licornes nous accompagnent ; toujours gracieuses elles gambadent ou tendrement se couchent sur nos racines et se reposent avec nous. Le temps stagne, tout en harmonie, pas une minute, pas une seconde ne s’écoule, pas un ennui ne bouscule notre bonheur.
Mais arrive le premier instant. Instant où tout bascule... alors démarre le temps. La saison froide devient longue et nous restons immobiles trop longtemps, peut-être une année-arbre ou deux. Soit environ 200 ans d’hommes.
Endormies à nos racines, les licornes ont disparu, attaquées par une vermine jalouse de leur beauté. A notre réveil, plus de courses légères et joyeuses, plus de licornes à nos côtés toutes avaient disparues.
Depuis ce jour sombre, nous sommes immobiles, figés dans notre peine. Les saules pleurent mais ce n'est plus de rire, le bouleau perd son écorce et les pins ne changent plus leurs épines. C'est notre minute de silence. Une minute qui durera pour l'éternité. »
La lune disparait alors, comme pour clore l’histoire, le matin apporte une douce lumière, des larmes de rosée. J’entends mon cognassier qui soupire, défait mon étreinte. Je le sens si triste ; les arbres sont tellement émotifs.
14 septembre 2019
Thalie J
NOUS AVONS PERDU LE PRINTEMPS
Il faut bien se l'avouer, nous avons perdu le printemps. Il y a peu de temps, nous cherchions le soleil et trouvions que vraiment le printemps était bien triste... Nous l'espérions donc encore.
Las, ne tergiversons plus, de charmante saison il n'y aura pas. D'ailleurs je frémis lorsque mon regard se pose sur les champs gorgés d'eau. Et je sens une inquiétude de plus en plus grande ; il suffirait d'un rien pour que poussent les colchiques et se termine l'été avant même d'avoir vécu.
En mars, la météo ne se sentait plus, tout a été trop vite et le printemps s'est épuisé.
C'est ainsi que le temps se chiffonne au gré du vent qui claironne sa vigueur entre pluie et neige mélangées. Parfois le soleil se montre mais alors les nuages éternuent et grondent les orages d'un printemps qui n'est jamais venu.
Se peut-il vraiment qu'un jour l'été paraisse ? Ne suit-il pas toujours le printemps et ses caresses ?
Nous verrons bien mais il est certain que si l'été arrive, c'est le 21 juin, nous y sommes presque....
Et nous n'avons toujours pas retrouvé le printemps.
Thalie J - 25 mai 2019
LA TRANSPARENCE DU VENT
Le vent s'enroule autour des bruits, les encouragent comme il attise le feu. Chaque effleurement provoque un son distinct des autres pour former une symphonie qui emplit l'espace et défie le temps.
Sa transparence diminue à mesure que lui répondent les objets en de multiples grincements, claquements ou murmures. Mais jamais il ne la perd.
- Jamais ?
Le vent brosse la chevelure des arbres l'été, éveille leurs bourgeons au printemps, fait chanter les cheminées l'hiver mais c'est l'automne qu'il préfère lorsqu’il joue avec les feuilles, les berce avant de les déposer sur la terre et de les laisser mourir.
Mais jamais il ne perd sa transparence.
- Jamais ?
Il est taquin et te force à courir pour rattraper ton chapeau, te fait râler sous ton parapluie cassé, il te jette à la figure des paquets de pluie comme une boule de neige fondue. Mais il reste transparent à ton regard.
- A jamais ?
- Peut-être, peut-être... Pourtant je le vois parfois.
Plus qu'une force invisible qui aère, enivre ou détruit, le vent ressemble à un enfant joueur. Il revient à ses jouets : les arbres, les mats des voiliers, les volets…. Oui, oui, ton chapeau aussi ! Mais il lui arrive, comme un enfant de piquer des colères terribles et de plus ne jouer. Alors il casse tout de ses bras lancés au hasard. Alors je le vois habiller sa transparence de sable, de poussière et d'objets légers ou lourds.
Alors les arbres cassent, les vagues soulevées par sa force ravagent la terre…
Sa transparence, petit, sa transparence disparaît, se colore de sa fureur.
Puis, lorsque qu'elle revient, le silence se venge et se nourrit des larmes des hommes.
La lune, une nuit d'été m'a dit le dicton qui passe d'étoiles en étoiles :
« Quand le vent devient visible, les hommes pleurent. »
Thalie J – 10 février
LA JOURNÉE
J'ai vu mon rêve dans un rêve accroché à l'horizon. Attendant un autre voyage il m'a fait signe d'un nuage et je me suis éveillée. Eveillée en France sous un joli soleil.
La journée sera belle !
Plus tard, un peu étourdie, je regarde la ville, ses toits et son ciel pollué.
À un nuage j'accroche mon regard. Et je file vers l'horizon retrouver mon rêve et y perdre la raison.
Mais en route une fumée opaque bloque tout élan, Notre Dame brûle ! Et brûle mon cœur d'une peine infinie.
La charpente s'écroule et la flèche aussi, la page qui se tourne est lourde, si lourde...
La journée devait être belle !
Les heures sont longues lorsqu'enfin le verdict tombe : Notre Dame résiste ; en son cœur la croix resplendit, la vierge toujours sourit et le coq si haut perché à ses pieds s'est posé. Notre Dame montre toujours ses tours au monde meurtri. Elles témoigneront encore longtemps du courage des pompiers et l'amour de Dieu.
Rendons grâce.
Thalie 21 avril 2019
ICI OU LÀ
Étendue sur le sol, la main sur l'ouverture, je sens la température de la vie : 37°. Parfois elle peut être plus élevée mais à ce moment-là elle coule de la blessure à 37°. Je vais mourir en sachant, non pas ce que coûte ma vie, mais sa chaleur.
Il paraît qu'au dernier instant, avec le dernier souffle nous regardons défiler notre vie en un film mêlant le bon et le mauvais de nos pauvres existences.
Mais, moi, je ne pense qu'à ce fichu manque de ponctualité. Il s'avère plus expéditif que je n'aurais pu l'imaginer.
Partie trop tard ou trop tôt je ne sais plus. Mais pas à l'heure. Je me suis trouvée au mauvais moment et au mauvais endroit.
Un plop de série policière, une brûlure sur le torse, une douleur aiguë et la chaude douceur de la vie qui s'écoule vite, trop vite.
Les bruits s'estompent et les images aussi. Ne reste que la sensation chaude du flot de ma vie. C'est confirmé je m'abandonne. Que Dieu me pardonne, je mets en lui mon espérance.
...
C'est donc une lumière vers laquelle je devrais aller. Je la cherche et la trouve. Elle est floue et les anges qui s'affairent autour de moi aussi. Cela ne m'importe pas. Il doit falloir s'habituer à l'au-delà. A moins qu'il ne faille y porter des lunettes ? Des bruits étouffés me parviennent et je me sens bien.
Plus de douleur, un nuage me réchauffe, je suis dans un cocon.
...
C'est étrange tout de même les bruits sont réguliers comme une sirène. Qu'importe, je repose dans un monde de douceur entourée d'anges qui prennent soin de moi... avec des bistouris et des perfusions... dans une ambulance qui roule très vite. Je rêve...
Étendue sur le lit la main sur le drap blanc, je sens que la vie revient. Elle est plus froide, je frissonne. La lumière est maintenant tamisée et les murs blancs me disent " tu es sauvée " ; les bruits de l'hôpital et les odeurs me font atterrir. Y a-t-il un témoin de mon voyage ? Oui il y a bien un ange à mes côtés, celui qui occupe mes rêves et mes pensées : l'amour de ma vie. Toi.
Thalie J. 19 décembre 2019
PETITE HISTOIRE DE TRAIN À 4 TEMPS
1er temps : 2 trains
13h10, deux trains, l'un quai G l'autre quai H mais tous deux sur les portes des wagons indiquent Paris.
L'affichage tarde mais le temps passe.
Oh ! joie ! Un contrôleur avance. Je lui souhaite le bonjour et lui demande - il ne s'arrête ni ne ralentit - si le train voie G est bien celui qui part dans un quart d'heure.
2ème temps : un dos
Je vis un grand moment de solitude lorsque le dos marmonne "si c'est pas indiqué attendez". Je regarde le monde, des habitués comme moi venir sur le quai... Personne ne sait.
Et le temps passe. Et repasse le dos.
Bien, je me dis que c'est triste de n'être qu'un dos, seul sur le quai à marmonner dans une barbe absente.
Je patiente jusqu’à l’affichage sur l’écran. Je suis sage, le dos va être content.
3ème temps : zéro place
Finalement je monte dans le train voiture 2 et je cherche ma place. Elle porte le numéro 38. Numéro qui n'existe pas car sans façon nous passons de la place 36 à la 40.
Je regarde à nouveau les numéros, sous des fauteuils et même au-dessus mais non ma place n'existe pas. Dommage car moi, j'existe.
Bien, je descends sur le quai et me trouve nez à dos avec le contrôleur sans visage. Je l'appelle, en vain, puis remonte, à place fantôme, contrôleur fantôme.
Je prends la place 48 en espérant qu'elle n'est pas réservée...
4ème temps : une fin heureuse
C'est maintenant que change mon voyage, le contrôleur de ce train a bien un visage, un sourire et je me sens revivre. Pour un peu je me croyais dans un autre espace-temps fait de dos et de riens virtuels.
Maintenant le train file... droit ! Au rythme des bulles de chewing-gum et du machouillage d'un Monsieur et des bavardages téléphoniques de sa femme. Ils vont à Madère pas moi tant mieux !
Thalie J - mercredi 3 avril 2019
2015
UN PETIT EXERCICE
An de grâce 2015, le jour de la fête de Saint Gildas
Récemment mes enfants ont travaillé sur les produits de consommation courante.
Nous avons parlé des noms de marques tombés dans le langage courant et devenus des noms communs.
De fil en aiguille, nous nous sommes demandés à quoi ressemblerait un texte sans nom de marque.
Voici le résultat :
Si vous le voulez, retrouvez les marques dans le texte ci-dessous. Toutes ont été remplacées par des termes de substitution...
Un samedi après-midi en pays Arverne :
Le samedi, lorsque notre agenda le permet, nous partons acheter de quoi nous sustenter pendant quelques jours. Pour être efficaces, nous établissons une liste la plus exhaustive possible. Cela rend l’usage de tout pense bête autocollant impensable. C’est donc sur un papier de taille honorable que nous listons, à l’aide d’un stylo à bille, les denrées alimentaires, fournitures pour la maison ou tout autre produit qui pourraient manquer à notre vie quotidienne.
Voici un exemple de notre liste, triée par thème. Si elle peut vous servir tant mieux ! :
Hygiène et beauté
Bâtonnets ouatés, bouchons d’oreille, mouchoir en papier, tube de soin pour les lèvres et agglomérant pour cheveux.
Cuisine non alimentaire :
Feuille d’aluminium et film protecteur transparent, un plat en verre alimentaire résistant aux chocs, des rouleaux de papier linge et, pour finir des boîtes en plastique hermétiques.
Vêtements :
Coupe-vent, divers vêtements en fibre textile élastique ou en tissu à base de fibres polyamides, Fermeture à glissière (crémaillère) ou bien, je ne couds pas beaucoup, une bande autoadhésive en tissu.
Ecole et art
Papier à dessin, porte-mine, ruban adhésif, surligneur et correcteur liquide
Bricolage
Thermoplastique transparent (poly méthacrylate de méthyle)
Aliments :
A côté des fruits et légumes, viandes et poissons et laitages en tout genre : la pâte à tartiner à la noisette et au cacao, le café lyophilisé et la sauce piquante
Je me demande si un jour nous ne passerons pas à l’annotateur vocal pour économiser le papier.
Une fois la liste terminée, nous l’oublions sur la table et partons dans notre automobile (je ne vois pas comment ces courses pourraient tenir sur un cyclomoteur - même de plus de 50cm3) !
Dans la région, les conducteurs sont paisibles. Sachant prendre leur temps, ils se suivent tranquillement sans jamais utiliser leur avertisseur sonore. Heureusement pour nous car nous n’avons pas encore nos bouchons d’oreille.
Avant d’entamer nos emplettes, nous nous arrêtons au centre organisant la collecte des déchets… pour faire de la place à la maison
Nous voilà arrivés à la grande surface, Jean-Christophe se gare et prend un chariot de supermarché.
L’avantage dans cette belle région, c’est qu’il n’est pas besoin de mettre un antivol bloquant la colonne de direction d’un véhicule.
Ah ! oui ! une dernière chose avant de vous quitter :
Lorsque vous viendrez nous voir, il se peut qu’à la porte, notre transmetteur de voix ne fonctionne pas. Ne vous impatientez pas, la sonnerie retentira dans la maison et nous vous ouvrirons.
Je vous embrasse bien affectueusement. Mais j'oubliais, nous allons tous auvergnement bien.
RENTRÉE DES CLASSES
Voici que l’été se poursuit avec comme chaque année la rentrée des classes. Je me prends la tête dans les mains, épuisée déjà, car le travail est ardu pour les parents qui veulent comprendre ce que leur rejeton va apprendre.
Pourtant le papier fait une liste exhaustive des matières, qui vont organiser sa tête pour qu’elle soit bien pleine. Oui mais de quoi ? Je tente de déchiffrer :
- Votre enfant suivra les matières suivantes : SES, PFEG, MPS, DNL et DAP sans oublier Maths, Physique, FR, Anglais, HG, Alld, SVT et EPS.
Mais cela n’est rien comparé à son emploi du temps. Plus changeant que le ciel de mars, je me perds entre les semaines et les cours :
La première semaine se nomme assez logiquement sem. A et la seconde sem. B. Jusque-là je suis bien l’idée mais voici les conséquences de ce petit changement de lettre d’une semaine à l’autre : parce que lorsque la sem. A devient sem. B : SES se change en FR, PFEG devient SVT, EPS laisse place à MPS et DNL à HG ou à DAP ou SES ou PFEG ou MPS ou alors c'est en semaine A ou .... ou .... oulàlà j'ai un peu du mal à suivre !
Je suis complètement perdue mais je me reprends et rapidement fais un résumé des journées de Colin :
Après un lv assez tôt (6h30) il prend un ptidj rapide et part avec le T2C pour aller en 2ndeC.Commence alors sa jrnée et se succèdent à une Kdence effrénée ses actvités.
Au secours !
Thalie J.
Septembre 2014
2014
LA CHASSE AUX MOUCHES
OU BIEN
ACTIVITÉ ESTIVALE
La leçon
Bien assise sur le canapé, dans le salon resté frais malgré le soleil estival, la reine-mère semble bien affairée. Elle cherche à enseigner à sa petite-fille, debout à ses côtés l’art d’éloigner les mouches.
Pour se faire, elle active son bras en souriant… ou non, les mouches s’en moquant complètement.
- Sachez ma fille, ne vous en déplaise que seul un mouvement superbe entraîne les mouches à faire ailleurs leurs affaires.
Il s'en suit plusieurs mouvements aussi rapides que décidés...mais dont la superbe laisse à désirer. Un tantinet flatteuse, Mouchette félicite sa grand-mère :
- Quel beau geste que celui-là ! tout en énergie et en grandeur ! Ah ! grand-mère c'est un plaisir de te voir manier la tapette avec tant d'ardeur.
Puis elle ajoute en aparté
- Que j'aimerais avoir cette classe, ce mouvement rude et régulier pour faire moi aussi peur aux mouches et les faire s'éloigner."
Hélas pour Mouchette, sa voix porte loin et la Reine-mère a entendu cette flatterie. Aussi, sous prétexte de gentillesse, la laisse à son tour essayer. La petite ne comprend pas ce fin sourire qui éclaire le visage de sa grand-mère.
L’exploitation
- Ma chère enfant va gaiement, prends en tes mains cet instrument et n'hésite pas à balayer l'espace avec férocité pour que je puisse lire en toute tranquillité.
Mouchette surprise qu’un tel honneur lui échoit, hardiment promène la tapette à bonne hauteur pour éloigner les mouches importunes. Bien installée dans le canapé, la reine-mère peut enfin reprendre sa lecture en murmurant parfois :
- C'est bien, bravo un peu plus fort, un peu moins haut. Un peu plus vite enfin ! je ne peux lire mon journal tranquillement ! Quelle paresseuse fais-tu, plus vite te dis-je. Voilà encore, c'est bien, encore...
La fin de la partie
Au bout d’un temps court pour l’une mais long pour l’autre, la fatigue a raison du mouvement énergique. Le bras ralentit, hésite, repart, hésite encore pour finalement retomber en tenant toujours la tapette devenue immobile.
Tant d’efforts pour voir revenir, si tôt le mouvement éteint, les mouches toujours affairées à venir voler sou notre nez.
La grand-mère soupire, le répit fut court. Mouchette transpire, son bras endolori témoigne des efforts fournis. La tapette repose, inutile. Les mouches se moquent, une fois de plus elles ont gagné !
note de l'auteur : Le "chasse-mouches" existe vraiment ; c'est une activité très courue l’ été dans le Jura. C’est typiquement le jeu où l’être humain est toujours perdant.
2013
CE JOUR-LÀ UN ESCARGOT...
Ce jour là
Un escargot part en voyage sa maison comme unique bagage. Ce n'est pas rien de la porter contre vents et marées. Cette demeure petite à souhait suffit à le loger. Aussi ne peut-il s'en passer. C'est pourquoi il l’emmène partout ; à la campagne, à la ville, au spectacle, à la cantine... Partout, même pour danser il doit la porter.
Il part en voyage pour, sinon changer de maison, du moins changer de paysage. Il traine sur les chemins s'arrête quand un brin d'herbe le tente et repart vaillamment. Pendant des jours et des jours il bave joyeusement en se promenant.
Ce même jour, quelque part, peu importe où
Un enfant part sur un sentier,
Un savant partage ses connaissances,
Un cancre parfait son ignorance,
Un aventurier parvient au bout du monde...
Mais cela nous est égal puisqu’il s’agit du voyage de l’escargot. Donc revenons à notre escargot.
Il avance, lentement mais sûrement 6 cm par minute cela fait 3,60 m par heure donc une journée de 10 heures 36m,2 donc 8 jours à 10 heures pour 1km et 280 jours pour 100 km, 1120 jours pour 400 km. Sans compter l’hibernation et l’été.
Et toujours avec sa maison sur le dos !
Alors franchement de quoi se plaint-on ?
3 octobre 2013
Thalie J.
CE JOUR-LÀ AUSSI
Ce jour-là
L’attente fait partie de la vie, sur le quai d’une gare, dans un magasin, sur la route qui sépare nos chemins.
L’attente est douceur lorsque vient un sourire, elle est alors une chaleur qui se niche dans nos cœurs.
Avant ce rendez-vous, arrivée bien trop tôt… le train fut à l’heure déjà un petit miracle ! Arrivée bien trop tôt, donc, j’écoute la musique que j’aime et regarde les passants.
Ils sont si différents, taille, poids, âge, habits et surtout démarche.
Ils sont si semblables, perdus dans leurs pensées, aveugles à ce qui les entoure. Pensées qui les perdent, à voir leur mine triste, fermée.
Ces instants sont fragiles, où le temps ralentit jusqu’à s’arrêter, où nul ne te voit, le monde est alors un film que tu regardes...
Et puis, soudain, un regard un peu flou qui devient précis, une fraction de seconde qui touche à l’infini. Explose sur ce visage, inconnu, à peine regardé, un sourire magnifique, un rayon de chaleur et d’humanité en ce qu’elle a de plus joli.
Un sourire qui t’accompagnera tout au long de ce jour-là.
Thalie J - Décembre 2017
CE JOUR-LÀ
Ce jour-là
Un escargot part en voyage sa maison en bagage,
Une grenouille plonge dans l'étang elle est si bien dedans,
Dans le couloir court la souris pour rejoindre son lit,
Les fleurs offrent leurs pétales au chaud soleil d'été,
Une commère conte une histoire à une mégère dans un couloir,
Huit heures la foule dans le métro se rend au bureau,
Le temps s'écoule au rythme de chacun,
Pourtant si l’aventure sera unique, le temps n’est qu’un.
Ce jour-là,
Pour aller à l’école, du haut de ses huit ans, l’enfant emprunte l’unique chemin qui descend dans la vallée, il est bordé de fougères et toujours très ombragé. Tous les jours que Dieu fait, il le parcourt en courant et sautant, chantant ou pleurant parfois ; mais pas aujourd’hui.
Ce matin, parti bien à l’heure, l’enfant marche en traînant. Son regard se pose sur chaque brindille, admire les ombres et les lumières. Ce sont les jeux du soleil, les derniers baisers de l’été qui expire. Se meurent avec lui les vacances, les jours qui s’étirent à perte de nuit et les promenades dans les champs jaunis.
Tranquillement il avance vers son école, « faut bien y aller, pense-t-il, sinon... - gare à toi lui a crié son père comme unique au revoir » Alors il marche, oui mais tout doucement.
…..
Du plus loin qu'il l'a vu l'enfant a couru.
C'est un nuage pas trop grand, qui tient entre deux doigts. C'est bien. L'enfant est petit aussi.
« Un haricot se dit-il. Un haricot blanc. Blanc ? Non transparent. » Depuis un moment il le tourne entre ses mains, ses yeux agrandis par la perplexité. Le petit nuage tordu de s'être coincé entre deux cailloux, frémit sous la bise, se niche dans la paume de l’enfant.
Un rayon passe alors, frôle le nuage qui scintille. « Il me sourit pense l’enfant »
Il le met alors dans la poche et repart rapidement. Fort de son nuage, la vie lui semble plus jolie et l’école moins terrible.
Ce jour-là est un jour comme un autre pour tout le monde mais pas pour lui. Lui a trouvé un nuage, en a fait son ami, le cache dans son bagage tout le long de sa vie.
Courir ne permet pas de profiter de l’instant, de voir la beauté, de s’arrêter sur l’improbable et de le faire sien. Et pourtant un nuage tient si bien dans la main.
Thalie J - Octobre 2013
QUAND JE REPRENDS MON RÊVE…
Quand je reprends mon rêve où je l’ai laissé, je revois le chemin si souvent emprunté.
Je retrouve la paix des soirées d’été, quand le soleil fatigué, dans la nuit, disparait.
… Au loin sans bruit….
Les rumeurs reviennent, rien n’est oublié, de ces instants que j’aime encore à visiter.
Le bruissement des feuilles dans le soir immobile, une cloche lointaine, les lucioles fleuronnent...
Tout est bien tendre à l’heure où tout s’abandonne.
… Au loin sans bruit….
Pour que la lune à son tour rayonne.
… Au loin sans bruit….
La sage pâquerette replie sa corolle, et, bientôt seul le grillon fait entendre son cri.
Puis tout se tait, le silence envahit la campagne, la nuit de noir s’est vêtue alors…
Allons dormir aussi, il n’y a de rêves que la nuit.
10/02/2012
Thalie J.
MES SOUVENIRS
Parfois mes souvenirs pleurent
De ces instants passés, il ne reste que du vent, un souffle léger qui porte mon présent. Pourtant ces souvenirs, quand ils viennent pleurer, sur mon épaule fatiguée, pèsent bien lourd.
Il faut dire que l’avenir raccourcit chaque jour. Que les heures s’écourtent à ne plus faire que semblant et le sablier se tourne à la vitesse du vent. Et le vent se renforce, souffle de plus en plus violent, de plus en plus vite emportant le présent dans son tourbillon imbécile.
Alors heureusement que les souvenirs reviennent. C’est souvent au moment où un calme précaire leur laisse le champ libre. Ils arrivent et virevoltent tels des électrons libres. C’est alors que le passé dans mon âme resurgit avec ces bonnes choses qui m’ont fait sourire et ces plus tristes qu’aujourd’hui je chéries.
Un souvenir, c’est une lumière, une étoile qui scintille venue du passé. Un peu comme une nova dont nous voyons les derniers rayons alors qu’elle mourut bien avant…… bien loin…… autrefois.
Un souvenir revient sans prévenir à cause d’un parfum, d’une odeur, d’une image. Il remet à l’avant de la scène un être cher, un sentier oublié ou bien encore une gourmandise depuis longtemps mangée. Alors le temps s’arrête comme pour respecter ce clin d’œil de la vieillesse qui pointe son nez.
Thalie J. 4 Aout 2010